Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
(Retour en) Terres d'Amélie
Derniers commentaires
Archives
5 décembre 2013

Le paradoxe de l'enseignant ( le sourire)

Je n'aime jamais tellement parler de mon métier et d'ailleurs, je ne sais pas très bien en parler, je ne sais que le faire, l'exécuter. Mais bon, les soirs de conseil de classe, parfois, les mots me viennent... Celui d'aujourd'hui était un exemple du genre : la prof d'histoire acariâtre est assise juste en face de moi. Qu'a-t-il pu arriver à cette fille? Est-ce l'un des effets pervers de ce métier ? Ils sont nombreux, je les connais pas le menu, mais ils me rendent ordinairement plus qu'indulgente à l'égard de mes collègues : compréhensive - Pourquoi ne le suis-je pas dans son cas?  Elle a trente ans et deux profonds sillons verticaux lui barrent déjà le front tellement elle tient ses sourcils froncés de 8 AM à 6 PM, sans interruption ; ne se déride jamais - de fait, je crois ne l'avoir jamais vue sourire ; elle note ses élèves de sixième sur une échelle allant de zéro à douze, persuadée que sa sévérité est gage de son sérieux et de son excellence ; s'oppose systématiquement à toutes les récompenses ; ignore jusqu'au sens de l'encouragement. On a envie de lui rappeler que ce sont des enfants, de lui conseiller de quitter le collège pour se tourner vers les classes préparatoires. Là, elle pourrait se défouler... Tous autour de la table, nous assistons avec consternation à cet étrange soliloque qu'elle nous donne. Ma voisine de droite me souffle : "Je n'ai pas envie d'aller au conflit, vas-y si ça t'amuse". Je m'agite sur ma chaise. A trois reprises, quand même, j'interviens : il n'empêche, dans les autres matières, les notes sont bonnes, non? Ces enfants ont bien travaillé, il nous appartient de le souligner... Curieusement, ma voix ne porte pas. Je réalise ( une fois de plus) que j'incarne l'un des paradoxes de ce métier, et pas le moindre : le paradoxe du sourire.

Face à mes classes, je l'ai souvent constaté, les choses passent mieux quand je souris. Alors, c'est vrai, la plupart du temps, je souris. A mes élèves, je dis bonjour et puis au revoir, et j'essaie de les appeler par leur prénom au moment de le faire. Je glisse des Bonne journée, des Profitez bien de votre mercredi, des Je vous souhaite un excellent week-end. Et en retour, ils me paient en sortant par des chapelets de " Au revoir Madame" qui s'égrainent dans mon dos et qui me font  sourire de plus belle. C'est que j'ai un défaut : en règle générale, mes élèves, je les aime bien. Je suis contente de les retrouver. Je crois qu'ils le savent. Mais il ne faut pas que je sorte de l'enceinte de ma salle de classe. Car c'est là le paradoxe de l'enseignant: plus on sourit, et moins l'on est jugé compétent ou sérieux par ses pairs. Il faut se faire un peu dragon pour voir sa parole entendue ( Je parle en tant que femme, je crois que pour les hommes, c'est assez différent - mais en fait, je n'en sais rien, je n'ai pas non plus fait d'étude très poussée sur le sujet...! )

Peu m'importe : je laisse à ma collègue le soin de cracher des flammes par les naseaux - elle fait ça plutôt bien, d'ailleurs -, et je me balance de ce qu'elle peut  penser de moi. Parce que voilà le fond du problème : si mes notes sont meilleures que les siennes, ce n'est pas parce que mes exigences sont moindres : c'est simplement, parce qu'avec moins d'efforts, j'obtiens plus. Je le sais ( et peut-être le sait-elle aussi... ;-) ) Et toc!

Publicité
Commentaires
(Retour en) Terres d'Amélie
Publicité
Publicité